Handicap scolaire : quels changements entre 2006 et 2012?

En résumé

En utilisant la métrique proposée dans mon dernier article, cet article présente les changements du « handicap scolaire » dans tous les pays, avec la moyenne des trois matières de PISA entre 2006 et 2012. L’expérience des pays varie considérablement, au point qu’il ne peut être proposé de modèle fondé sur les performances passées. Il y a des gagnants (Japon, Pologne, Italie) et des perdants (Finlande, Nouvelle-Zélande, Suède) au titre du handicap scolaire parmi les pays les plus performants, comme il y a aussi des gagnants (Brésil, Colombie, Turquie) et des perdants (République slovaque, Islande) parmi les pays les moins performants. Cependant, dans l’ensemble, l’étendue du handicap scolaire entre les pays a été sensiblement réduite – de 54 à 240 en 2006, de 73 à 206 en 2012 – ce qui est un résultat global positif.

Handicap scolaire : quels changements entre 2006 et 2012 ?

Dans mon dernier post, j’ai proposé une mesure appropriée pour mesurer le handicap scolaire entre le groupe le plus à risque sur le plan scolaire (les élèves de 15 ans dans le 10e percentile au bas de la distribution des scores PISA, en combinant les trois matières ensemble) et la norme de l’OCDE qui représente une performance moyenne dans l’ensemble de ses pays membres, l’indice de référence de 500 points. L’utilisation de cette métrique, au-delà de la comparaison entre les pays pour une année donnée, sert encore à approfondir sa validation. Dans ce post, j’analyse les changements dans la performance du groupe le plus défavorisé académiquement sur la plus longue période de temps permise par les données du PISA en ce moment. Le handicap scolaire a-t-il été réduit de manière significative dans la plupart des pays ?

Handicap scolaire : Mesurer les progrès au fil du temps

Les évaluations PISA ont commencé en 2000. Depuis le début, elles ont couvert trois principales matières académiques, la lecture, les mathématiques et les sciences – chaque matière étant successivement la matière de base (avec un contenu approfondi), les deux autres étant alors secondaires (avec un contenu un peu plus léger). Afin d’établir sa norme moyenne de 500 points sur la base la plus solide possible, l’OCDE l’a établie pour chaque matière lorsque celle-ci était la matière de base. Cela a fait que la référence de 500 points a été établie pour la lecture en 2000, pour les mathématiques en 2003 et pour les sciences en 2006. Après chacune de ces dates, même les scores basés sur le contenu plus léger ont été étalonnés en rapport avec la référence définie de 500 points (mais il est recommandé de ne pas considérer les scores obtenus dans ces matières avant l’année servant de référence pour des comparaisons dans le temps). En conséquence, et parce que nous avons opérationnalisé le handicap scolaire avec la moyenne des trois matières, la plus longue période disponible en ce moment couvre les années 2006 à 2012. Je mettrai ce post à jour lorsque l’évaluation suivante pour 2015 sera diffusée, ce qui est prévu pour le début décembre 2016.

Le handicap scolaire a-t-il diminué entre 2006 et 2012 ?

Le handicap scolaire peut diminuer, signe d’une amélioration de la situation scolaire des jeunes de 15 ans les plus faibles, rester relativement stable, signe de statu quo, ou s’accroître, signe que les jeunes d’une nouvelle génération de 15 ans s’enfoncent un peu plus profondément dans les problèmes scolaires. Les résultats sont présentés dans le tableau 1 colonne 3, pour les 40 pays retenus dans l’analyse du dernier post. Lorsque le changement du handicap scolaire est positif, cela signifie que celui-ci diminue du nombre de points indiqués, soit une diminution du handicap scolaire de 35 points au Brésil – en d’autres termes, les 15 ans placés au 10e percentile en 2012 présentent un handicap scolaire réduit de 35 points par rapport à celui de leurs pairs en 2006. Lorsque le changement du handicap scolaire est négatif, cela signifie que celui-ci a augmenté du nombre de points affichés, soit une augmentation de 34 points en Finlande – en d’autres termes, les 15 ans au 10e percentile en 2012 étaient de 34 points plus éloignés de la norme 500 que leurs pairs en 2006. Quand le changement (positif ou négatif) est inférieur à 10 points, je considère qu’il est trop petit pour permettre de tirer une conclusion sur l’amélioration ou la détérioration de la situation – ceci pour prendre en considération le degré de précision statistique qui peut être obtenu avec une enquête par sondage comme PISA (je reconnais c’est une façon non sophistiquée de fixer une limite de « signification », mais je ne souhaite pas entrer dans la sophistication statistique dans un post comme celui-ci ).

Tableau 1 – Changements du handicap scolaire et de la moyenne globale entre 2006 et 2012

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Note : Dans ce tableau, le Costa Rica et les États-Unis apparaissent sans données dans les colonnes de changement de score parce que le Costa Rica a commencé à participer au PISA en 2009 et que les États-Unis n’ont pas produit de scores en lecture en 2006, avec comme résultat que la moyenne des trois matières ne peut être calculée pour 2006.

  • Entre 2006 et 2012, le handicap scolaire a diminué dans 18 des 38 pays pour lesquels nous pouvons mesurer ce changement avec PISA. Il a augmenté dans six pays et est resté plus ou moins stable dans les 14 autres pays (un changement du handicap scolaire entre -9 et 9).
  • Dans quatre pays (le Brésil, la Colombie, la Turquie et Israël), le handicap scolaire a été réduit de 30 points ou plus. Rappelez-vous : 39 points représentent des gains attribuables à environ une année de scolarité (en moyenne entre les pays de l’OCDE) et 70 points représentent la différence entre deux niveaux consécutifs de compétence. Les 30 à 35 points d’amélioration dans ces pays sont des réalisations assez importantes. Pourtant, la route vers une plus grande équité est toujours la plus longue pour eux : le Brésil et la Colombie ont les plus fortes lacunes scolaires en 2012, Israël est 37e des 40 pays et la Turquie est 30ème.
  • Les deux pays suivant (le Japon et la Pologne) présentent une amélioration substantielle de la situation des plus défavorisés sur le plan scolaire entre 2006 et 2012, avec une réduction de leur déficit scolaire de 28 et 27 points, respectivement. Ils partaient déjà d’une situation bien meilleure en 2006 que les quatre pays ci-dessus : au Japon, le handicap scolaire était alors de 113 points (9e rang) et en Pologne, il était de 120 points (14e rang). Ce sont des gains relatifs plus importants (respectivement 25% et 23%) que dans les quatre pays précédents. Ces derniers résulats montrent que de nouvelles réductions importantes de l’inégalité peuvent être atteintes même dans des pays aux résultats plutôt décents sur cette échelle de l’inégalité.
  • Mais ce qui est arrivé à l’autre extrémité du classement selon le changement du handicap scolaire est également révélateur : un haut degré d’égalité, telle que mesuré par un handicap scolaire faible, est difficile à maintenir au fil du temps. En 2006, la Finlande présentait un handicap scolaire de 54 points (1er rang). Puis, en 2012, ce résulta a connu la plus forte aggravation – une perte de 35 points dans son handicap scolaire. Malgré cela, il est resté dans une position internationale enviable, glissant seulement à la 4e place en 2012. Mais ce résultat pose la question de savoir ce qui peut se passer dans le « modèle finlandais » très remarqué (« découvert » avec PISA 2000). D’autres pays comme la Suède et la Nouvelle-Zélande, partant de résultats proches de ceux de la Finlande, ont également connu des déclins significatifs de leur position : avec une aggravation de 30 points de son handicap scolaire, la Suède a glissé de la 13e à la 32e place et la Nouvelle-Zélande, avec une aggravation de 16 points, a glissé de la 8e à la 19e.

Le handicap scolaire a-t-il évolué en phase avec la performance scolaire globale ?

Autre question d’importance pour les politiques : dans quel contexte global d’évolution de la performance nationale entre 2006 et 2012 les changements du handicap scolaire ont-ils eu lieu ? Le Tableau 1 colonnes 4 et 5 documente cette question. Le graphique 1 permet également de répondre à cette question. Permettez-moi d’abord d’expliquer ce qui est représenté dans le graphique :

  • J’examine s’il existe une relation entre la variation du handicap scolaire entre 2006 et 2012 et le changement de la note moyenne au cours de la même période. En d’autres termes, ma question est la suivante : lorsque le handicap scolaire diminue, est-il concomitant avec un changement semblable, ou différent dans la performance moyenne du pays ? Les points sur le graphique sont les codes internationaux des pays avec les coordonnées suivantes : le changement de la note moyenne sur l’axe horizontal et la variation du handicap scolaire sur l’axe vertical.
  • Un pays placé à l’intersection des deux axes n’a connu aucun changement significatif de son handicap scolaire, ni aucun changement dans le score moyen de ses élèves de 15 ans. En reconnaissance du degré statistique de précision des données dans le cadre d’une enquête par sondage, j’ai tracé au centre de la carte, une boîte verte : je considère que les pays figurant dans cette boîte n’ont pas connu, le long des deux dimensions, de changement suffisamment important pour justifier des commentaires, sinon de dire qu’ils ont connu essentiellement un statu quo de performance . Ces pays sont : la Norvège, la Lituanie, l’Irlande, la Grèce, la Belgique (en fait la Flandre), la France, le Royaume-Uni (en fait l’Angleterre et l’Irlande du Nord), la Corée, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Canada, la Slovénie et la Hongrie.

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  • Les deux axes qui se croisent au centre définissent quatre quadrants :
    • au Nord-Est : une situation dans laquelle les pays ont connu des gains en performance moyenne et une réduction significative du handicap scolaire – dans l’ensemble, la situation la plus enviable ; 16 pays sont dans cette situation, mais avec des amplitudes très différentes.
    • au Nord-Ouest : une situation dans laquelle les pays ont connu une réduction du handicap scolaire alors que leur rendement moyen a diminué ; c’est une situation où nous trouvons deux pays, la République tchèque et l’Autriche, mais, bien que les gains en handicap scolaire soient importants, la variation négative de la moyenne globale est insignifiante (-2 points).
    • au Sud-Ouest : une situation dans laquelle les pays ont connu à la fois une augmentation du handicap scolaire et une note moyenne globale inférieure ; six pays sont dans une telle situation : la Finlande, la Suède, la République slovaque, la Nouvelle-Zélande, l’Islande et l’Australie (de façon marginale, cependant).
    • au Sud-Est : une situation dans laquelle les pays verraient une détérioration du handicap scolaire alors que la performance moyenne de leurs élèves s’améliorerait ; aucun pays n’a connu une telle situation – dramatique pour les étudiants moins fortunés.
  • J’ai dessiné deux lignes : l’une, la ligne bleue, est la diagonale le long de laquelle tous les points montrent l’égalité entre la variation du handicap scolaire et la variation de la performance moyenne globale – une ligne d’égalité. La deuxième ligne, rouge en pointillés, est la ligne qui traverse toutes les marques de pays, en minimisant les distances des pays à cette ligne – une ligne de tendance.
  • La ligne de tendance se situe au-dessus de la ligne égale dans le quadrant nord-ouest. Cela signifie que la tendance dominante entre les pays est que la réduction du handicap scolaire tend à être plus grande (en points) que l’augmentation de la moyenne sur trois sujets – signe possible qu’une politique axée sur l’augmentation de la performance des plus désavantagés académiquement paie également en termes de performance globale.
  • Quatre pays sont sur la ligne bleue dans le quadrant nord-est : la Turquie et Israël, sur la partie haute, le Portugal et l’Espagne, un peu plus bas. Ces quatre pays ont réussi à augmenter la performance des élèves en général et à réduire le handicap scolaire d’un nombre similaire de points. Ils partaient tous d’une situation nettement inférieure à la performance « standard » de l’OCDE  (500 points) en 2006, mais s’en rapprochent en 2012.
  • Six pays sont sur la ligne de tendance ou en sont proches : le Japon, la Pologne, l’Italie, la Fédération de Russie, l’Estonie et la Lettonie. Leur amélioration du handicap scolaire coïncide (mais faisons attention de ne pas établir un lien de causalité en l’absence d’une recherche plus poussée) avec un gain de performance globale un peu plus bas.
  • Six autres pays apparaissent au-dessus de la ligne de tendance : le Brésil, la Colombie, le Mexique, le Chili, l’Allemagne et la Suisse. Dans ces pays, la réduction du handicap scolaire est assez impressionnante, mais pas accompagnée par des gains de même ampleur dans la moyenne globale. L’Allemagne et la Suisse étaient déjà des pays assez performants – ceci pouvant limiter la capacité de générer des gains élevés en moyenne. Les quatre autres pays d’Amérique présentaient une performance globale beaucoup plus faible, et les gains récents peuvent être considérés comme réellement prometteurs.
  • À l’autre extrémité de la ligne de tendance, dans le quadrant sud-ouest, cinq pays sont sur la ligne de tendance ou un peu en-dessous : la Finlande, la Suède, la Nouvelle-Zélande, la République slovaque et l’Islande. Ils montrent tous une aggravation du handicap scolaire qui est un peu plus grande que leur changement, négatif aussi, dans la moyenne des trois matières. Ils viennent d’une variété de performances antérieures dans PISA – ce qui démontre qu’il n’y a rien de prédéterminé par les performances passées – laissant probablement beaucoup de place pour une intervention politique appropriée. En 2006, la Finlande et la Nouvelle-Zélande ont été parmi les plus performants des pays de l’OCDE : le handicap scolaire le plus faible pour la Finlande et un classement décent à cet égard pour la Nouvelle-Zélande. Les trois autres pays n’étaient pas aussi bien placés (bien que la Suède ait été en fait proche de la Nouvelle-Zélande, juste au-dessus des 500 points), mais ils ont perdu beaucoup de terrain à la fois pour le handicap scolaire et pour la performance moyenne globale.

Une analyse minutieuse des données conduit donc à se poser des questions de politique pertinentes à régler au niveau national. La comparaison internationale permet à chaque pays d’apprécier sa performance nationale en référence à celle de pays auxquels il souhaite se comparer, et d’en tirer des leçons pour le développement de politiques. Il reste intéressant de noter que, dans l’ensemble, l’ampleur des handicaps scolaires nationaux a été réduite de façon significative – de 54 (Finlande) à 240 (Colombie) en 2006, de 73 (Corée) à 206 (Colombie) en 2012 – ce qui constitue un résultat globalement positif.

Non solum data – Data sine monito oculo nihil sunt.


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Patrice

Education and labour economist / Économiste de l'éducation et du travail

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