Comment l’emploi joue un rôle critique face au vieillissement

Après avoir identifié plusieurs modèles de vieillissement (voir les articles de blog sur le Japon, la Suède, le Canada, les États-Unis et la France), nous commençons, dans cet article, par présenter une image synthétique de ces modèles de vieillissement. Nous allons ensuite plus loin pour comparer, d’un pays à l’autre, les ressources générées par les activités économiques pour couvrir la population « dépendante » de la société. L’emploi apparaît comme un facteur-clé pour générer ces ressources, principalement par le biais des revenus et de la taxation des revenus.

Le vieillissement entraîne une forte augmentation du ratio de dépendance

Afin de mesurer le fardeau économique d’une population non active, démographes et économistes ont mis au point un indicateur synthétique simple, le ratio de dépendance. Dans son expression la plus simple – et la plus utilisée – il s’agit du rapport suivant:

La population au numérateur comprend la population la moins susceptible de participer à une activité économique, à savoir les enfants et les adultes âgés. La population au dénominateur comprend la population la plus susceptible d’être engagée dans une activité économique (la population dite en âge de travailler). Le ratio est interprété comme suit : pour cent personnes capables de générer des ressources économiques, combien de personnes non actives sont prises en charge. En bref, plus ce ratio est faible, mieux équipée est la société pour répondre aux besoins de ses membres qui « dépendent » du soutien des autres.

La galerie de graphiques ci-dessous présente l’évolution des ratios de dépendance dans chacun des cinq pays pour lesquels nous avons caractérisé le processus de vieillissement dans les précédents articles de blog. En cliquant sur les flèches latérales, vous pouvez consulter les cinq graphiques et les comparer. Chaque graphique présente trois lignes : le ratio de dépendance total, qui correspond au rapport ci-dessus, et une ventilation du ratio de dépendance total en ses deux composantes additives, les contributions respectives des enfants et de la population âgée. Dans les cinq pays, à mesure que la fécondité diminue, la contribution des jeunes de 0 à 14 ans au ratio de dépendance diminue. C’est ce que l’on voit dans les premières années présentées dans les graphiques. Mais à mesure que le vieillissement progresse avec l’espérance de vie en augmentation rapide, il en va de même pour la contribution des adultes âgés au ratio de dépendance. Dans les cinq pays, la contribution des adultes âgés dépasse celle des enfants avant 2015, sauf aux États-Unis où ce dépassement devrait se produire un peu avant 2025.

En 2015, avec les dernières données reflétant la situation réelle, le ratio de dépendance des jeunes a atteint son niveau historique le plus bas : chaque centaine de personnes en âge de travailler « prend en charge » de 20 à 30 enfants âgés de 0 à 14 ans – 21 au Japon, 24 au Canada, 27 en Suède et 29 aux États-Unis et en France. Ce ratio doit plutôt être considéré comme un signe d’espoir quand il est plus élevé : c’est soutenir une génération qui exercera un soutien à mesure qu’elle atteindra l’âge de travailler. Le ratio de dépendance des jeunes projeté reste à peu près au même niveau tout au long de la période de projection, selon l’hypothèse « moyenne » retenue pour les taux de fécondité par pays.

À la même date, en 2015, dans tous les pays, le ratio de dépendance des personnes âgées a commencé à augmenter sous deux pressions : les générations nombreuses nées après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 1950 ont dépassé l’âge de 65 ans et ces générations vivent de plus en plus longtemps (augmentation rapide de l’espérance de vie). Comme nous l’avons dit, en 2015, le ratio de dépendance des personnes âgées dépassait celui des jeunes, sauf aux États-Unis : chaque centaine de personnes en âge de travailler « prend en charge » 43 personnes âgées au Japon, 31 en Suède, 30 en France , 24 au Canada et 22 aux États-Unis. La croissance rapide du ratio de dépendance des personnes âgées au cours de la période de projection est largement due aux gains d’espérance de vie. En effet, avec une croissance projetée plutôt stable et faible des populations âgées de 0 à 14 ans, la croissance de la population âgée explique totalement la tendance à la hausse majeure du ratio de dépendance total.

Du ratio de dépendance au ratio de dépendance “économique”

Le taux de dépendance total et sa ventilation en ratios de dépendance des jeunes et des personnes âgées, examinés ci-dessus, fournissent une perspective démographique. Pour examiner le ratio dans l’analyse économique, il est important de se rapprocher de la réalité de la manière dont les ressources sont générées pour ensuite être utilisées afin de soutenir la population qui en a besoin. Les ressources proviennent de la capacité de générer des ressources de la population occupée. Les personnes qui occupent un emploi gagnent des salaires et des revenus leur permettant de subvenir aux besoins privés de ceux qui en ont besoin (enfants, étudiants, membres de la famille malades ou vieillissants). Ils contribuent également aux programmes publics qui offrent un soutien par le biais des taxes qu’ils paient. Nous adaptons alors le ratio de dépendance de la manière suivante:

Au dénominateur, nous plaçons la population qui génère les ressources, c’est-à-dire le nombre total de personnes ayant un emploi, quel que soit leur âge. Au numérateur du ratio, la population sans emploi est la somme de deux sous-populations, la population âgée de moins de 15 ans (une population ne pouvant légalement occuper un emploi rémunéré) et la population sans emploi de 15 ans ou plus. Dans la formule ci-dessus, cette deuxième population est identifiée en rouge pour nous rappeler qu’elle peut être désagrégée par groupe d’âge, une fonctionnalité que nous utiliserons plus loin dans cet article. Ce ratio est interprété comme suit: pour chaque centaine de personnes ayant un emploi rémunéré, combien de personnes sans emploi sont soutenues.

Ce ratio de dépendance économique (RDE) donne une image plus utile à l’économiste. En partant du ratio de dépendance « démographique » (RDD), il tient compte du fait que toutes les personnes en « âge de travailler » ne travaillent pas réellement : les étudiants sans emploi, les parents sans emploi ayant des responsabilités familiales et les chômeurs seraient les groupes les plus nombreux et auraient, en fait, besoin de soutien financier de sources privées ou publiques. Et parmi la population âgée de 65 ans et plus, certains continuent à travailler, contribuant ainsi à augmenter le pool de ressources pouvant être mises à la disposition de ceux qui doivent vivre avec le soutien de ceux qui travaillent.

Le graphique ci-dessus permet de caractériser facilement le passage du ratio de dépendance démographique au ratio de dépendance économique. Les deux blocs à gauche sont constitutifs du calcul du ratio de dépendance démographique, et les deux blocs à droite du calcul du ratio de dépendance économique. Les deux blocs supérieurs forment le numérateur des formules respectives, tandis que les deux blocs inférieurs sont leurs dénominateurs. Verticalement, les totaux des deux blocs sont identiques et représentent la population totale du pays donné – nous montrons ici à titre d’exemple la situation du Canada en 2015. La population totale est de 35,95 millions d’habitants. Parmi les trois sous-populations d’âge considérées dans le calcul du ratio de dépendance démographique, une n’est pas susceptible d’être en situation d’emploi – du moins dans les pays développés analysés ici – la population âgée de 0 à 14 ans, et demeure au numérateur pour les deux ratios (les sous-blocs bleus dans le graphique). Les deux autres sous-populations ont une proportion substantielle effectivement en emploi : certaines personnes âgées de 65 ans ou plus sont toujours en emploi, ce qui contribue donc à la génération de ressources de soutien – le sous-bloc vert uni passe du numérateur du ratio de dépendance démographique au dénominateur du ratio de dépendance économique; c’est l’inverse qui se produit dans la troisième sous-population, la population en âge de travailler : la majeure partie de ce groupe est en emploi, mais une part importante ne l’est pas et s’appuie sur les ressources générées par les travailleurs (le sous-bloc jaune quadrillé); ce groupe passe du dénominateur du ratio de dépendance démographique au numérateur du rapport de dépendance économique. Compte tenu de la taille relative des sous-groupes de population qui se déplacent, le ratio de dépendance économique est nettement supérieur au ratio de dépendance démographique.

Le graphique ci-dessous compare les ratios de dépendance démographique et les ratios de dépendance économique, ainsi que leur évolution, pour nos cinq pays :

  • Ce qui frappe en premier lieu, c’est l’écart systématique, comme nous venons de le dire, entre les deux ratios dans chacun des pays. Le ratio de dépendance économique est généralement deux à trois fois supérieur au ratio de dépendance démographique.
  • Les différences entre pays des ratios de dépendance économique sont beaucoup plus larges que pour les ratios de dépendance démographique. Au cours de la période considérée, l’étendue des ratios de dépendance démographique s’élève à 20 points, tandis qu’une différence de 70 points peut être observée entre les ratios de dépendance économique. L’écart plus important du taux de dépendance économique s’explique dans une large mesure par la situation en France, où le RDE est de 20 à 60 points supérieur à celui des autres pays. Les RDE des quatre autres pays, entre 1995 et 2015, se situent dans une fourchette de 25 points.
  • Les variations au sein des pays sont beaucoup plus larges pour les RDE que pour les RDD. Les RDD évoluent uniquement en fonction de l’évolution démographique sous-jacente – avec les facteurs que nous avons identifié pour chaque pays dans les articles précédents. Ces développements sont très importants à long terme, mais progressent à un rythme et dans une direction prévisibles. Bien que la fécondité et le vieillissement aient également un impact direct sur le RDE, ce ratio est principalement lié aux conditions nationales de l’emploi, qui reflètent à la fois la structure démographique de l’emploi et la réaction de l’emploi aux variations de la conjoncture économique. Ces facteurs ont une influence considérable sur le RDE et expliquent en grande partie les différences entre les pays. Nous verrons plus loin comment le niveau d’emploi mesuré par le taux d’emploi explique de manière déterminante les différences entre les RDE des pays étudiés.

Les contributions par sexe et âge au ratio de dépendance économique

Les ratios de dépendance économique varient considérablement d’un pays à l’autre. La composition démographique (par âge et par sexe) reflète à la fois la structure démographique sous-jacente de la population et les spécificités nationales des paramètres du marché du travail, tels que la propension à combiner études et travail, les conditions économiques reflétées par le niveau de chômage, l’âge de la retraite .

Le graphique ci-dessous présente la composition du RDE pour nos cinq pays au cours de la dernière année disponible, 2015.

  • Premièrement, il est important de situer à quel stade du processus de vieillissement chaque pays se trouve en 2015. Reportons-nous au premier ensemble de graphiques de cet article. Au Japon, l’augmentation du taux de dépendance est déjà bien avancée – depuis 1995, la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus a fortement augmenté, tandis que la proportion de jeunes de moins de 15 ans est restée stable. Dans les quatre autres pays, le taux de dépendance démographique commence tout juste à augmenter, essentiellement sous l’influence du vieillissement, la proportion de la population jeune ayant atteint son niveau bas et stable.
  • La hauteur totale de chaque barre représente le RDE en 2015 pour chaque pays respectivement. Les cinq RDE semblent très différents : en France, il est le plus élevé avec 100 personnes en emploi « supportant » 144 personnes sans emploi. Ce chiffre est bien supérieur au ratio des États-Unis (115) et à celui des trois autres pays, qui se situe à 100 ou juste au-dessus.
  • La contribution de chaque groupe d’âge-sexe qui compte sur le soutien des personnes en emploi varie également beaucoup d’un pays à l’autre:
    • Premièrement, la contribution des personnes n’ayant pas atteint l’âge minimum de travail (moins de 15 ans) est le reflet direct de facteurs démographiques, c’est-à-dire du niveau du taux de fécondité au cours des deux dernières décennies avant 2015. Nous devons exprimer clairement qu’il est plutôt un signe de bonne santé pour un pays de soutenir une population nombreuse de très jeunes car ils contribueront plus tard, grâce à un travail rémunérateur, au soutien de la population alors sans emploi. En 2015, la contribution de ces jeunes au RDE total est la plus basse avec seulement 26 points au Japon (c’est-à-dire que 100 personnes en emploi soutiennent 26 jeunes de 0 à 14 ans). Le nombre correspondant est le plus élevé en France (45), puis aux États-Unis (41).
    • À l’autre extrémité du spectre d’âge, on constate que la France a encore la plus forte contribution du groupe d’âge des 65 ans et plus, avec 100 personnes en emploi soutenant 19 hommes et 26 femmes (un total de 45 personnes) âgés de 65 ans et plus. Le Japon, bien que beaucoup plus avancé dans le processus de vieillissement de la population, présente des chiffres plus faibles: 16 pour les hommes et 25 pour les femmes. Dans les trois autres pays, la contribution de ces groupes est nettement inférieure. Comme nous le verrons plus tard, ces différences d’un pays à l’autre sont toutes dues à une intensité différente de l’emploi.
    • De plus, le niveau d’emploi influence grandement le fardeau que la population sans emploi parmi la population en âge de travailler impose à la population en emploi. Là encore, la France cumule les besoins d’aide les plus importants dans ces groupes d’âge : le RDE obtient 38 points dans le groupe d’âge des 15-54 ans et 15 points dans le groupe d’âge des 55 à 64 ans, alors que ces chiffres sont les plus bas en Suède, avec respectivement 25 et 6 points.

Passons maintenant à l’examen de la relation entre l’emploi et le ratio de dépendance économique.

L’emploi joue un rôle critique dans les sociétés confrontées au vieillissement

La formule permettant de calculer le ratio de dépendance économique montre que plus le dénominateur est élevé, c’est-à-dire le nombre de personnes en emploi, plus le ratio obtenu est faible. C’est d’autant plus vrai que le dénominateur augmente grâce au transfert de populations passant du numérateur au dénominateur lorsqu’elles obtiennent un emploi – ces transferts ont été mis en évidence dans un graphique ci-dessus.

La mesure de l’emploi la plus pertinente est le taux d’emploi (également appelé ratio emploi / population). Il est calculé en divisant le nombre de personnes en emploi par la population totale. Particulièrement pertinent ici, il peut être calculé pour l’ensemble de la population ou pour n’importe quel groupe d’âge. Il est en relation directe avec le ratio de dépendance économique – les deux faces d’une même pièce, lorsqu’on exclut simplement la population de moins de 15 ans : plus le taux d’emploi d’un groupe d’âge est élevé, plus la contribution de la population de ce groupe d’âge au RDE est faible, et plus sa contribution à la population générant des ressources de soutien est importante. Pour l’analyse restante, nous utiliserons les données de l’OCDE [1]. Cela limite la population en excluant la population la plus jeune (moins de 15 ans) qui ne peut pas être trouvée dans une situation d’emploi. Techniquement, elle supprime simplement cette population du numérateur lorsque l’on se réfère au calcul du RDE mentionné ci-dessus. Mais cela nous permet d’utiliser des données plus récentes, jusqu’en 2017, que nous utiliserons souvent comme référence, ainsi que des données plus détaillées à un âge plus avancé.

Passons en revue les taux d’emploi des cinq pays par âge pour la période 2000-2017 et expliquons leur impact sur le taux de dépendance économique. Vous pouvez suivre l’examen en cliquant sur les flèches latérales pour afficher chaque graphique spécifique à l’âge dans l’ensemble des graphiques ci-dessous.

  • Pour le groupe d’âge le plus jeune de la population en âge de travailler (15-24 ans), les différences de taux d’emploi sont importantes entre les pays, le plus élevé au Canada (56% en 2017), puis aux États-Unis (50%), le plus faible en France (29%). Ne pas être des participants actifs sur le marché du travail n’est pas une « mauvaise » situation si ces jeunes sont investis dans l’acquisition de compétences pour une utilisation productive future, la société dans son ensemble soutenant un tel investissement. Mais pourquoi de telles différences entre pays comparables? Il existe bien des différences de participation à l’éducation entre ces pays, mais leur ampleur est limitée – et n’explique que très faiblement les différences de taux d’emploi observées : en France, 67% des jeunes suivent des études, 61% aux États-Unis et 62% aux Canada, respectivement 64% et 66% au Japon et en Suède [2]. Au Canada et aux États-Unis, une proportion importante d’étudiants ont également un emploi, cherchant à couvrir le coût plus élevé (que dans la plupart des pays européens) des études post-secondaires – 39% des étudiants travaillent au Canada, 30% aux États-Unis, seulement 13 % en France (la plupart dans des programmes de type apprentissage). Et parmi les jeunes qui ne fréquentent plus une institution d’éducation, moins nombreux en France que dans les autres pays sont ceux qui occupent un emploi. Le ratio NEET (pour “neither employed nor in education or training”) qui représente la proportion des jeunes de cet âge qui sont « sans emploi et ne sont ni scolarisés, ni en formation », est le plus élevé en France, avec 13,6% (plus de la moitié étant au chômage, cherchant activement du travail), tandis qu’il est inférieur au Canada (9,8%) et aux États-Unis (10,8%) avec moins de chômeurs. En bref, la disponibilité d’emplois est un problème pour ce groupe d’âge en France.
  • Pour les trois groupes d’âge de dix ans suivants (25-34 ans, 35-44 ans et 45-54 ans), les niveaux de taux d’emploi sont partout plus élevés et beaucoup plus proches les uns des autres parmi les cinq pays, avec un écart entre les taux, inférieur à huit points de pourcentage entre le plus élevé en Suède (86,3% en 2017) et le plus bas aux États-Unis (78,6%), et les taux sont tous supérieurs à la moyenne des pays de l’OCDE.
  • Les niveaux de taux d’emploi commencent à nouveau à diverger chez les personnes âgées de 55 à 59 ans (pour une analyse plus fine des tendances de l’emploi pour les personnes plus âgées, nous présentons des données sur l’emploi par groupe d’âge de cinq ans). Pour ce groupe, les taux d’emploi sont très élevés (supérieurs à 80% en 2017) et ont augmenté régulièrement en Suède et au Japon. Aux États-Unis, le taux d’emploi a légèrement fluctué sous la barre des 70% entre 2000 et 2017. En France, partant d’une situation en 2000 très inférieure à la moyenne de l’OCDE (environ 55%), le taux d’emploi a commencé à augmenter régulièrement à partir de 2007 pour atteindre 72% dix ans après. Au Canada, la croissance du taux d’emploi a été continue sur l’ensemble de la période, depuis son point bas de 60% en 2000, demeurant tout de même 9 points de pourcentage en deçà du taux au Japon en 2017. Ces écarts entre pays sont importants car ils se traduisent par des différences dans la part de la population ayant besoin d’un soutien financier, qu’il s’agisse d’une assurance-chômage ou de l’aide sociale, plutôt que de participer directement à ce soutien. Pour atteindre le taux d’emploi de la Suède en 2017 pour les 55-59 ans, il faudrait près de 2,3 millions d’emplois supplémentaires aux États-Unis, 500 000 en France et 336 000 au Canada – et les titulaires de ces emplois contribueraient au filet social, au lieu d’en être les bénéficiaires. Ces emplois supplémentaires permettraient, dans ces trois pays, une réduction d’environ trois points du taux de dépendance économique global!
  • Le scénario qui apparaît pour la première fois dans le groupe d’âge des 55-59 ans s’aggrave dans les groupes d’âge plus âgés, comme le montre le graphique ci-dessus. L’aggravation est même extrême pour la France. C’est vers l’âge de 60 ans que les politiques et pratiques en matière de retraite (y compris les dispositifs de retraite flexibles et les offres de retraite anticipée) entrent en jeu [3]. Ces dernières années, avec la prise de conscience croissante de l’impact du vieillissement, des politiques visant à prolonger la vie active s’efforcent délibérément de contrebalancer, voire d’inverser, la tendance à la baisse de l’âge effectif de la retraite [3]. En effet, dans tous les pays, les taux d’emploi des groupes d’âge des 60 à 64 ans, des 65 à 69 ans et des 70 à 74 ans ont augmenté pendant la période 2000-2017. Si c’est également le cas en France, cela ne fait que maintenir un écart structurel avec les autres pays – et avec la moyenne de l’OCDE. Parmi nos cinq pays, la Suède arrive en tête avec les taux d’emploi les plus élevés jusqu’à 64 ans avec 68,4% dans le groupe des 60 à 64 ans en 2017 – la France n’enregistre que 29,2%. Après cet âge, le Japon prend une solide avance avec des taux d’emploi de 44,3% pour le groupe d’âge des 65-69 ans et de 27,1% pour le groupe d’âge des 70-74 ans – avec les notes les plus basses, la France enregistre respectivement 6,6% et 2,8%.

En 2017, en Suède, chaque groupe de 100 travailleurs génère des ressources pour soutenir 47 personnes de 15 ans et plus sans emploi. Cent travailleurs soutiennent 97 personnes sans emploi en France, 62 au Canada, 70 au Japon et 60 aux États-Unis (76 en moyenne dans les pays de l’OCDE). Donnons des chiffres concrets en termes d’emploi : pour que la France atteigne le niveau de soutien attaché au taux d’emploi élevé de la Suède il lui faudrait compter 8,8 millions d’emplois supplémentaires – exactement un tiers de plus que le nombre d’emplois existants! Comme le vieillissement rapide est une certitude dans tous ces pays pour les décennies à venir, s’il n’est pas déjà bien engagé, le défi apparaît d’une ampleur considérable dans les pays où les ressources générées par l’emploi sont moindres. De plus, en France, nous avons vu que cela se produit dans un contexte démographique unique dans lequel la population en âge de travailler (15 à 64 ans) ne s’accroît pas du tout et ne devrait pas augmenter dans les décennies à venir.

Sur une base individuelle, le nouveau retraité est félicité pour une retraite bien méritée et souvent regardé avec envie, plus il prend tôt sa retraite, bien sûr essentiellement si ce départ en retraite est de plein gré. Mais la situation des sociétés confrontées à un vieillissement accéléré appelle à envisager le phénomène sous un angle différent. Nous devons considérer que le niveau d’emploi dans le pays, comme nous l’avons expliqué ici, est essentiel pour générer les ressources financières nécessaires à assurer une situation confortable pour la population sans cesse croissante qui atteint le troisième âge – quel que soit cet âge, largement déterminé par la société – et vit toujours plus longtemps. Dans ce post, nous nous sommes concentrés sur la génération des ressources pour faire face au vieillissement, car la population âgée est celle dont la forte croissance impose des exigences supplémentaires à la société qui la soutient. Bien entendu, nous n’oublions pas que les ressources générées par l’emploi doivent également couvrir les besoins, notamment éducatifs, des cohortes les plus jeunes … et, soit dit en passant, la France supporte aussi la contribution la plus élevée du groupe des plus jeunes à son RDE!

Références

[1] OECD.Stat (2018), Données sur le marché du travail par sexe et âge, Données extraites le 13 novembre 2018.

[2] OCDE (2018), Regards sur l’éducation 2018 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE. http://dx.doi.org/10.1787/eag-2018-fr

[3] OCDE (2018), Panorama des pensions 2017 : Les indicateurs de l’OCDE et du G20, Éditions OCDE, Paris. http://dx.doi.org/10.1787/pension_glance-2017-fr


Non solum data – Data sine monito oculo nihil sunt.


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Patrice

Education and labour economist / Économiste de l'éducation et du travail

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