En résumé
Dans deux posts précédents, j’ai proposé une métrique pour mesurer le « handicap scolaire » – l’écart de performance scolaire entre les élèves les plus faibles et le niveau international reconnu comme « performance moyenne ou de référence », puis j‘ai mesuré l’évolution du handicap scolaire entre 2006 et 2012.
Dans ce post, je mets à jour les profils des pays avec les données les plus récentes du projet PISA, publiées en décembre dernier. Je me concentre sur les pays dont la performance s’est détériorée de façon significative entre 2006 et 2015 et ceux dans lesquels le handicap scolaire a été réduit en 2015 par rapport à 2006. J’ai choisi 2006 car c’est la meilleure année pour servir de base pour l’analyse des évolutions de performance.
Sur les 40 pays retenus dans cette analyse, la moitié a montré une situation assez stable : le handicap scolaire ne présente ni un déclin substantiel, ni une amélioration significative entre 2006 et 2015. Dans ces pays, il peut s’être produit des changements plus ou moins significatifs de performance mesurée lors des années intermédiaires (2009 et 2012), mais la performance en 2006 et celle de 2015 sont pratiquement au même niveau. Parmi l’autre moitié des pays, huit montrent une détérioration marquée, une aggravation du handicap scolaire – quoique partant de situations initiales différentes : l’Australie, la Finlande, la Hongrie, la Corée, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la République slovaque et la Suède. Les douze autres témoignent d’une amélioration notable de la performance relative des étudiants les plus faibles : le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Allemagne, Israël, l’Italie, le Japon, le Mexique, la Norvège, le Portugal, la Fédération de Russie et l’Espagne.
Handicap scolaire : quels progrès depuis 2012 ?
Au début de décembre 2016, l’OCDE a publié les résultats de la plus récente évaluation de l’enquête PISA qui a eu lieu en 2015. Avec cette dernière, le projet PISA a complété un deuxième cycle des trois principaux sujets qu’elle couvre, à savoir la lecture, les mathématiques et les sciences.
Dans un article précédent, j’ai partagé mon point de vue et mes critiques sur la mesure de l’inégalité dans la performance académique des élèves, développée par le Centre de recherche de l’UNICEF – Innocenti. J’ai proposé une mesure alternative de l’inégalité en matière d’éducation que je considère plus appropriée : un « handicap scolaire » qui mesure jusqu’où les pays laissent « couler » leurs 10% d’étudiants les plus faibles.
Le « handicap scolaire » mesure le nombre de points de score qui séparent de la “norme” moyenne de l’OCDE (score de 500 points) les étudiants dont les scores moyens sur les trois matières (lecture, mathématiques et sciences) tombent dans le 10e percentile le plus bas de la répartition des performances mesurées dans PISA – les 10% des élèves les plus faibles dans chaque pays.
On rappelle que 70 points représentent la différence entre deux niveaux de compétence consécutifs, sur une échelle comportant six ou sept niveaux. Nous considérons comme augmentation ou réduction significative du handicap scolaire un changement du score de 10 points ou plus.
En 2006, six pays affichaient une performance de leurs 10% d’élèves les plus faibles inférieure à un niveau de compétence et demi par rapport à la « référence 500 », soit un écart inférieur à 105 points : la Finlande, la Corée, le Canada, l’Estonie, l’Australie et les Pays-Bas (dans cet ordre). Ces pays avaient le plus faible handicap scolaire et étaient les plus équitables en termes de performance : les étudiants les moins performants n’avaient qu’un retard limité par rapport à la moyenne des élèves de l’ensemble des pays de l’OCDE.
À l’autre extrémité du classement, six pays présentaient un handicap scolaire supérieur à deux niveaux et demi, c’est-à-dire un écart de 175 points ou plus : la Turquie, le Chili, Israël, le Mexique, le Brésil et la Colombie. Ces pays affichaient le plus grand retard scolaire et étaient donc les moins équitables en termes de performance : les étudiants les moins performants étaient très en retard par rapport à la moyenne des élèves de l’ensemble des pays de l’OCDE.
Auparavant, nous avons examiné le progrès / la détérioration de l’écart scolaire entre 2006 et 2012 et les six pays ayant le plus grand handicap scolaire en 2006 ont enregistré une diminution significative de ce handicap : de 23 points au Chili à 35 points au Brésil. D’autres pays, déjà plus égalitaires au départ, ont également présenté une réduction du handicap scolaire : l’Allemagne, l’Italie, la Pologne et le Japon avec une réduction de ce handicap de 20 à 28 points.
Par ailleurs, cinq pays ont affiché une augmentation significative de leur handicap scolaire. Un pays, la Finlande, avec la performance la plus équitable en 2006, a connu la plus forte augmentation du handicap scolaire avec 35 points. Les quatre autres pays sont la Nouvelle-Zélande, la Suède, l’Islande et la République slovaque, avec des situations initiales diverses en 2006 présentant des handicaps de 110 à 145 points. Dans ces pays, le handicap scolaire a augmenté respectivement de 16, 30, 13 et 18 points, de 2006 à 2012.
La relation entre une réduction (ou une augmentation) du handicap scolaire et une amélioration (ou une détérioration) de la performance globale s’aligne assez bien : généralement, le handicap scolaire évolue dans la même direction – positive ou négative. Différentes situations nationales ne sont que des questions d’ampleur des variations dans le changement respectif de performance globale et de la performance des étudiants les plus faibles (voir le graphique 1 dans le deuxième post).
Comment le handicap scolaire a-t-il évolué après 2012 ?
Avec la plus récente diffusion de résultats de PISA, nous sommes en mesure d’analyser l’évolution du handicap scolaire jusqu’en 2015. Posons-nous quatre questions et répondons-y avec les données :
- Dans quels pays le handicap scolaire s’est-il détérioré entre 2006 et 2015 et quelle a été l’évolution au cours de cette période ?
- Dans quels pays le handicap scolaire s’est-il amélioré entre 2006 et 2015 et quelle a été l’évolution au cours de cette période ?
- Comment tous les pays se sont-ils présentés dans l’évolution de leur handicap scolaire entre 2012 et 2015 ?
- L’évolution du handicap scolaire entre 2006 et 2015 était-elle en phase avec l’évolution globale de la performance entre 2006 et 2015 ?
Où le handicap scolaire s’est-il détérioré entre 2006 et 2015 ?
Dans huit pays, le handicap scolaire s’est aggravé entre 2006 et 2015 : Finlande, Corée, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Australie, Suède, Hongrie et République slovaque. Ceci est représenté dans le graphique 1 ci-dessous. La ligne en haut du graphique représente le score international de référence de 500. Plus la ligne d’un pays est proche de cette ligne, plus le handicap scolaire est réduit.
Dans tous ces pays, à l’exception de la Nouvelle-Zélande et de la Suède, le handicap a continué d’augmenter, depuis 2009 en Finlande et en Australie, ou depuis 2012 en Corée, aux Pays-Bas, en Hongrie et en République slovaque. Dans les six pays, le déficit scolaire a augmenté de 19 points (Pays-Bas) à 44 (Finlande). En Nouvelle-Zélande et en Suède, l’augmentation antérieure (entre 2006 et 2012) s’est juste stabilisée (en Nouvelle-Zélande) ou a été partiellement compensée par une réduction récente (Suède) entre 2012 et 2015. Il convient de noter que, malgré une évolution défavorable récente, la Finlande et la Corée demeurent parmi les dix pays les plus performants (parmi les 40 pays dans cette analyse) en 2015. Les Pays-Bas se replient au deuxième quartile des pays dans le classement du handicap scolaire, tandis que la Nouvelle-Zélande et l’Australie restent dans ce second quartile.
Où le handicap scolaire s’est-il amélioré entre 2006 et 2015 ?
La situation relative des étudiants les plus faibles était significativement meilleure en 2015 par rapport à 2006 dans douze pays : Japon, Fédération de Russie, Norvège, Allemagne, Espagne, Portugal, Italie, Chili, Israël, Mexique, Colombie et Brésil. Les évolutions d’amélioration pour ces pays sont présentées au graphique 2.
Parmi ces pays, seuls la Fédération de Russie, l’Espagne, Israël, le Mexique et la Colombie ont fait des gains réguliers (ou du moins ont conservé des gains antérieurs) d’une évaluation à la suivante depuis 2006. Dans les autres pays, l’amélioration du handicap scolaire, en comparant les performances entre 2006 et 2015, présente des situations intermédiaires de recul lors de certaines évaluations.
Les réductions de handicap à long terme étaient les plus importantes en Colombie et en Fédération de Russie (respectivement 45 et 30 points) et les plus faibles en Allemagne et au Brésil (12 points). Le Japon reste parmi les dix premiers pays présentant le plus faible handicap scolaire, et la Fédération de Russie accède à la dixième position. La Norvège, l’Espagne et le Portugal sont passés du troisième au deuxième quartile des pays, tandis que l’Allemagne a maintenu sa position dans ce quartile. L’Italie est passée du quatrième au troisième quartile, et les autres pays (Chili, Israël, Mexique, Colombie et Brésil) sont restés dans le quatrième quartile, même si leur handicap scolaire s’est amélioré en 2015 par rapport à 2006.
Comment les pays se sont-ils positionnés dans l’évolution de leur handicap scolaire entre 2012 et 2015 ?
Le graphique 3 nous ramène à une représentation “cartographique” familière des pays en quatre quadrants et une diagonale. Sur l’axe horizontal est la variation du handicap scolaire entre 2006 et 2012 – celui que j’ai analysé en détail dans le dernier post. De gauche à droite (de la Finlande à la Colombie), les pays passent d’une forte augmentation à une forte réduction du handicap scolaire.
Note: dans ce graphique, les États-Unis et le Costa Rica ont été inclus. Pour les États-Unis, la moyenne globale pour 2006 est basée sur deux sujets (mathématiques et sciences), car les résultats de lecture n’ont pas été rapportés. Pour le Costa Rica, le changement dans la mesure du handicap est basé sur 2009, la première participation du pays dans PISA.
Sur l’axe vertical, je prolonge l’évolution de l’écart jusqu’en 2015, toujours à partir de la même année de base 2006. De bas en haut (de la Finlande à la Colombie aussi), les pays passent d’une forte augmentation à une forte réduction du handicap scolaire, mais ici entre 2006 et 2015.
Je ne commenterai pas la situation des pays qui se retrouvent au centre du graphique, dans le carré vert, car ils connaissent des variations de dix points ou moins sur les dimensions horizontale et verticale. Les pays placés sur la diagonale (bleu), ou très proches, n’ont pas connu de changement de la mesure du handicap scolaire entre 2012 et 2015. C’est le cas pour Israël, le Mexique, l’Italie (nom caché derrière le Mexique) et l’Espagne où la réduction du handicap entre 2006 et 2012 a été juste maintenue dans les trois dernières années, sur le côté positif. Du côté des pays qui ont connu une augmentation du handicap, c’est également le cas de la Nouvelle-Zélande et de l’Islande, où la situation ne s’est pas aggravée après 2012.
Ensuite, pour les autres pays, plus on s’éloigne de la ligne diagonale, plus grande est l’évolution du handicap scolaire entre 2012 et 2015. Dans le quadrant nord-est (en haut à droite), au-dessus de la diagonale, quatre pays ont poursuivi les progrès entamés plus tôt dans la réduction du handicap scolaire de leurs étudiants les plus faibles : la Colombie, la Fédération de Russie, le Portugal et la Norvège (en rouge). Dans le même quadrant supérieur droit, mais en deçà de la ligne diagonale, plusieurs pays ont perdu des points sur leurs progrès antérieurs – modérément (10 points ou moins) pour le Japon, le Chili, l’Allemagne et la Lettonie, mais plus en Estonie, au Brésil et en Pologne (tous en jaune) . Quatre pays ont perdu tous les gains réalisés entre 2006 et 2012 : la Turquie, la République tchèque, l’Autriche et la Suisse.
Dans le quadrant opposé, sud-ouest (en bas à gauche), l’analyse se concentre sur l’évolution du handicap scolaire dans les pays qui en ont connu une aggravation entre 2006 et 2012. La situation a continué de se détériorer dans les cinq pays cartographiés dans ce quadrant au-dessous de la ligne diagonale, et plus l’écart à la diagonale est important, plus la détérioration supplémentaire du handicap est prononcée : en Hongrie (l’écart augmente de 21 points), en Australie (17 points), aux Pays-Bas (15 points), en Finlande (9 points) et en République slovaque (7 points). De l’autre côté de la diagonale se trouve la Suède où le handicap scolaire est toujours plus grand en 2015 qu’en 2006, mais réduit de 13 points par rapport à ce qu’il était en 2012.
Sur cette carte, la Corée est un pays singulier : il a montré un changement non significatif de la situation des étudiants les plus faibles entre 2006 et 2012, mais ensuite une forte détérioration après 2012, 38 points – tout en restant parmi les dix meilleurs pays à cet égard.
L’évolution du handicap scolaire entre 2006 et 2015 était-il en phase avec le changement global de performance au cours de la même période ?
J’aimerais conclure cet examen avec une mise à jour sur la cartographie fournie dans le graphique 1 du dernier post. Il a examiné la question de savoir si l’évolution du handicap scolaire était en phase avec l’évolution de la performance globale du pays. Avec les résultats de 2012, le message principal était qu’il existait une relation assez forte entre les gains / pertes dans la performance globale et l’amélioration / détérioration de la situation relative des étudiants les plus faibles. Dans le post, j’ai expliqué la signification des positions des pays dans les quatre quadrants – en fait, comme la corrélation était élevée (R² = 0,84), tous les pays s’alignaient assez proches de la ligne Sud-Ouest / Nord-Est.
La situation a-t-elle changé quand on tient compte du résultat de 2015 ? Voyons le Graphique 4:
Note: dans ce graphique, les États-Unis et le Costa Rica ont été inclus. Pour les États-Unis, la moyenne globale pour 2006 est basée sur deux sujets (mathématiques et sciences), car les résultats de lecture n’ont pas été rapportés. Pour le Costa Rica, le changement dans la moyenne globale et dans la mesure du handicap est basé sur 2009, la première participation du pays dans PISA.
À première vue, la carte ressemble beaucoup à celle qui relatait la situation de 2006 à 2012. La ligne de tendance (ligne pointillée rouge) montre également une légère rotation (dans le sens inverse des aiguilles d’une montre) et les pays sont encore plus proches de cette ligne de tendance, une indication révélée par une corrélation encore plus élevée (R² = 0,91). Les changements en points de score du handicap scolaire étaient non seulement corrélés avec les changements de points dans la moyenne globale des trois sujets, ils étaient également légèrement plus élevés lorsque les améliorations globales ont été obtenues et légèrement inférieures lorsque la performance globale s’est détériorée. En moyenne, dans tous les pays, chaque gain positif de 10 points dans la performance globale a été accompagné d’une réduction du handicap scolaire de 13 points, et de l’autre côté, chaque déclin de 10 points dans la performance globale a été accompagné d’une augmentation de 13 points du handicap des élèves les plus faibles.
Du côté positif, dans le quadrant nord-est, certains pays ont fait mieux que cela : la Colombie a présenté une réduction de 45 points du handicap scolaire avec une amélioration globale de 29 points de la performance générale entre 2006 et 2015. Les chiffres comparables pour le Mexique étaient 23 et 7 points respectivement, pour le Japon 19 et 12, et pour l’Allemagne 12 et 3. Ces réductions des inégalités de performance sont loin d’être suffisantes, mais elles montrent que des réductions d’inégalités peuvent se produire non seulement dans les pays où elles sont les plus importantes (Colombie et Mexique), mais aussi dans les pays où les inégalités sont déjà mieux contenus (Japon et Allemagne). Ces quatre pays étaient déjà quelque peu au même endroit sur la carte en 2012.
Les réductions des inégalités peuvent se produire non seulement dans les pays où elles sont les plus importantes, mais aussi dans les pays où elles sont déjà mieux contenues.
Du côté négatif, la Finlande, tout en continuant de présenter une bonne performance globale, est restée en 2015 dans la même situation, avec une augmentation de 44 points du handicap scolaire associée à une baisse de 30 points de la performance globale. La Suède s’est rapprochée du carré vert (“pas de changement significatif”) avec un handicap scolaire supérieur de 17 points et une performance globale de 8 points inférieure. Mais quatre pays sont sortis de la zone verte du « mauvais côté » : les Pays-Bas, l’Australie, la Hongrie et la Corée. La Corée était le pays le plus performant en 2012 avec un handicap scolaire de “seulement” 73 points; ce handicap a atteint 112 points en 2015 et la performance globale était diminuée de 23 points.
La richesse de ces données et le potentiel d’analyse sont bien au-delà de ce que je présente ici. Chaque contexte national doit être pris en compte pour comprendre si les politiques éducatives nationales prennent ces résultats en considération, et comment elles le font.
Trop d’enfants sont laissés en arrière. Dans de nombreux pays, les plus faibles académiquement sont vraiment en retard! Est-ce que la rhétorique et les lois telles que le No Child Left Behind, puis le Every Student Succeed Act aux États-Unis se propagent à travers les pays ?
Non solum data – Data sine monito oculo nihil sunt.
Dans ce blog, nous invitons les commentaires constructifs et les contributions d’articles constructives – voyez notre politique de blog et exprimez-vous!
Patrice
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